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L’attitude de certains Francs-maçons devant les rituels est à la fois surprenante et quelquefois déroutante, quel que soit le rite concerné. Elle pose question.
Surprenante, quand des Maçons considèrent les rituels comme des textes quasi sacrés. Ils semblent oublier que tous les textes ont été composés, recomposés, modifiés voire contredits d’une version à l’autre, par une main humaine, et quelquefois même traduits d’une langue étrangère avec plus ou moins d’habileté et de fidélité au sens originel du texte. Aucun rituel n’est « tombé tout écrit du ciel » pour application telle quelle. Dans ce premier cas, l’autorité accordée au rituel est du type « surnaturel ». Le pire, c’est quand parfois une rigidité exagérée sert à imposer son autorité personnelle aux Frères, sans entrer sur le fond mais en se crispant sur la forme. Le rituel est alors vu comme une fin en soi.
Déroutante, quand des « gourous » souhaitent laisser « leur marque », et donc leur nom, pour la postérité ; ou quand des « touristes rituels » importent dans leur loge des « jolies choses » qu’ils ont vues ailleurs, et qui « plairont sûrement aux Frères pour rompre la monotonie des rituels habituels. »
D’autres enfin affirment que les rituels maçonniques doivent être adaptés et donc modifiés en fonction de l’actualité et des évolutions sociales et sociétales pour ne pas paraître « dépassés ».
Dans ces seconds cas, c’est l’autorité des « gourous » qui se substitue à celle des rituels au risque de faire disparaître leur ésotérisme ! Le rituel est vu alors comme un moyen de l’asservir à son propre besoin d’existence devant les autres.
Pour ces deux cas, pas si rares, et pour encore bien d’autres, c’est la question de l’autorité des rituels qui se pose. Quelle est-elle ? Que vaut-elle ? Quand s’impose-t-elle ?
L’autorité, dans tous les cas, en Maçonnerie comme ailleurs, n’existe que si elle est reconnue. En Maçonnerie, c’est la lecture, l’écoute, et le compagnonnage avec les rituels et les instructions qui leur sont associées qui confèrent ou non leur autorité à ceux-ci.
Il s’ensuit que :
· l’autorité des rituels ne provient pas d’elle-même mais de l’autorité que le Frère en chemin d’initiation lui reconnaît, dans un juste et respectueux milieu entre des limites extrêmes. Ceci implique que seuls les plus anciens Maçons et qui ont gravi le Rite qu'ils pratiquent peuvent valider la valeur des rituels et donc statuer sur leur autorité parce qu'ils les ont parcourus, étudiés, analysés, en ont été imprégnés et ont enfin compris le Rite dans sa globalité.
· Les rituels, à tous les grades, ont une histoire : formation des textes sur des bases historiques (créations de loges, de Grandes Loges accompagnées de textes régulateurs, Convents régulateurs, etc.), introductions datées de références historiques ou légendaires (histoire légendaire du Métier, Old Charges — Anciens Devoirs —), etc.
De ce fait, la reconnaissance de l’autorité des rituels implique la reconnaissance d’une autorité des événements qu’ils ont construits comme fondateurs.
· L’autorité des rituels, pour qu’ils produisent leurs effets initiatiques, implique la nécessité « d’y croire ». L’autorité suppose ainsi une sorte de pacte d’imagination ou de fiction, voire d’intuition de la part des Maçons, faute de quoi ils assistent sans participer à un acte théâtral, et même pas toujours cathartique. Cette exigence vaut en particulier pour les filiations opératives, réelles ou supposées, les légendes ésotériques dans les différents grades, la valeur des secrets des grades, des tableaux et autres imageries, etc. Ainsi c’est la reconnaissance de l’ésotérisme transmis par les rituels qui leur confère leur autorité ; elle donne, à l’écoute et par la pratique, l’occasion de la rencontre personnelle avec les textes.
· Chaque rituel, à chaque grade du parcours initiatique, n’est pas à considérer séparément, même si cela paraît difficile de faire autrement du fait de leur progressivité qui oblige à les conférer séparés et distincts. L’initié éclairé comprendra qu’il se trouve sur un chemin organisé et cohérent ; qu’il ne peut le parcourir qu’étape après étape, mais qui dessine dans son ensemble, une unité qui se révèle pas à pas. On ne peut plus alors parler de l’autorité seule des rituels, mais de l’autorité du Rite.
Faute de cette vision, l’effet initiatique risque « d’en prendre un coup », d’apparaître comme une sorte de « patchwork » et de ne pas faire bénéficier de l’apport que confère l’autorité du Rite, permettant d’élever le cherchant de la base au sommet du Rite concerné. Les programmes d’instruction doivent tenir compte de cette exigence.
· La reconnaissance sincère de l’autorité des rituels permet une oscillation bénéfique entre le perfectionnement individuel qui doit en résulter et l’énergie collective qui se dégage et se partage quand l’assemblée est en « syntonisation », c’est-à-dire en vibration collective dans une résonance qui produit au niveau individuel et collectif un « rendement » initiatique maximum.
· Les instructions grade par grade, bien préparées, bien travaillées, bien commentées, constituent une véritable clé de lecture nécessaire car complémentaire aux rituels proprement dits ; elles accroissent la reconnaissance de l’autorité à accorder aux rituels pour la production « augmentée » de leurs effets initiatiques.
Tous les rituels véhiculent en eux les connaissances nécessaires à notre réalisation spirituelle pour qui fait les efforts nécessaires pour les étudier, les analyser pour les comprendre, les approfondir à l’aide des instructions, sachant que cette compréhension est personnelle qu'elle ne doit pas s'imposer mais aider ses Frères à poursuivre le même cheminement d'efforts.
L’autorité que tout Maçon doit reconnaître à ses Vénérables-Maîtres est en réalité l’autorité à reconnaître aux rituels dont ils sont les transmetteurs du dépôt. C’est là que réside la cohérence globale sans laquelle il n’y a pas de méthode valable de réalisation, pas d’effet initiatique et donc pas d’utilité spécifique de la Franc-maçonnerie.
ITER, 05/2023.
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